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Permettant de traiter rapidement un grand volume de textes, l’intelligence artificielle s’invite depuis plusieurs années dans le secteur de la traduction. Parfois perçue comme une menace pour la profession, elle peut aussi être source d’opportunités.

 

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Permettant de traiter rapidement un grand volume de textes, l’intelligence artificielle s’invite depuis plusieurs années dans le secteur de la traduction. Parfois perçue comme une menace pour la profession, elle peut aussi être source d’opportunités.

Par Chrystèle Reynier - Publié le 111/09/23

Une technologie adoptée depuis quelques années

Le secteur de la traduction s’est digitalisé depuis de nombreuses années avec la TAO (traduction assistée par ordinateur). Cette pratique consiste à s’appuyer sur des logiciels spécialisés pour faciliter le travail de traduction. Deux technologies coexistent, expliquait la société de traduction et services linguistiques Alphatrad, dans Le Point, en avril 2023 :

·       La première, "la traduction automatique RBMD, traite un texte d'une manière isolée, à partir de sa base de dictionnaires. Elle établit le sens de chaque mot selon leur enchaînement et le contexte".

·       La seconde, la traduction automatique statistique, quant à elle, "se fonde sur un modèle algorithmique et probabiliste. Souvent basée sur des réseaux de neurones artificiels, elle apprend à traduire en analysant de vastes corpus de textes plurilingues, selon le principe du machine learning. L'outil se sert ensuite de cette base pour déterminer la traduction la plus adéquate selon le contexte".

C’est en 2017 que l’intelligence artificielle s’est réellement appliquée au domaine de la traduction, avec le lancement de DeepL. Cette période a marqué le début de la traduction automatique neuronale (TAN) ou Neural Machine Translation (NMT) en anglais. Cette technologie intelligente fonctionne à partir de neurones artificiels et prend en compte l’ensemble du texte et de son contexte. La technologie progresse de façon continue grâce aux données qui lui sont transmises. La traduction automatique neuronale (TAN) a remplacé les approches statistiques traditionnelles en apportant plus de fluidité et de précision.

Outre DeepL, Google Traduction, Microsoft Translator, Systran, ChatGP et le logiciel de traduction IA de Meta sont autant d’outils de traduction utilisant l’intelligence artificielle.

Une technologie aux multiples avantages mais également limitée

En quelques années, l’emploi de l’IA s’est fortement développé dans le secteur de la traduction. En 2018, 50% des traducteurs professionnels avaient recours à un outil de traduction automatique s’appuyant sur l’intelligence artificielle, selon un sondage mené par l’Union européenne des associations d’entreprises de traduction.

La technologie présente des atouts considérables. Elle permet de traduire rapidement d’importants volumes de textes dans un large panel de langues et à un faible coût. Elle peut traduire, à l’écrit ou à l’oral, les mots prononcés ainsi que le sens, et s’améliore en continu.

Mais elle possède également ses limites : elle ne peut pas adapter la traduction au lectorat cible, ne prend pas en compte les codes et usages culturels locaux, et n’est pas performante pour les langues rares. Elle présente également des lacunes dans la compréhension du contexte. Enfin, l’entreprise utilisant des outils d’intelligence artificielle gratuits s’expose au risque de diffuser des données confidentielles.

Une technologie questionnée

Selon l’étude ELIS 2023 "Les tendances du marché de la traduction" portant sur le marché européen, l’IA est désormais perçue de façon négative. Ce qui n’était pas le cas en 2021. Ce changement de tendance pourrait s’expliquer par le lancement très médiatisé de ChatGPT, et les craintes qu’il suscite.

Les outils intégrant la technologie IA ont déjà causé une baisse des tarifs. À l’avenir, ils pourraient concurrencer le travail humain selon des scénarios pessimistes. "Avec l’arrivée de la traduction automatique neuronale (ou Neural Machine Translation, NMT), l’intelligence artificielle (IA) prend indéniablement des parts de marchés à la traduction humaine (ou bio-traduction) ", écrit la Société française des traducteurs sur son site Internet. "Ces développements suscitent une abondante littérature et activités de recherche, source de concours de traduction homme/machine, de prédictions de la disparition totale de la traduction humaine dans quelques décennies mais aussi de débats juridiques autour de la protection, au titre du droit d’auteur, des traductions automatisées".

Toutefois, le cabinet de traduction montréalais TRSB témoigne auprès du magazine québécois L’Actualité, d’un intérêt croissant pour ses services depuis l’arrivée des outils de traduction automatique intégrant l’IA. Des entreprises de divers domaines s’emparent de ces outils, du fait de leur faible coût, pour traduire davantage de documents. Elles les font ensuite réviser par une agence pour s’assurer de leur exactitude. Ainsi, à l’ère du développement de l’IA, "les traducteurs peuvent se positionner comme experts dans la post-édition et offrir des services de contrôle qualité pour garantir des traductions de qualité supérieure", analyse l’organisme de formation en traduction et rédaction technique Edvenn.

Selon Alphatrad, société de traduction qui mobilise elle-même de l’IA, le remplacement complète des traducteurs humains par l’IA semble peu vraisemblable. La moindre erreur peut avoir des conséquences trop élevées pour certains contenus, parmi lesquels les contenus techniques, marketing, financiers, juridiques ou encore médicaux. L’IA aura davantage pour rôle de faciliter le travail du traducteur, ce qui conduit déjà à la naissance "d’une méthode hybride : la traduction neuronale avec post-édition, qui consiste à allier la performance de l’intelligence artificielle au savoir-faire humain". Pour la société de traduction, l’IA représente ainsi davantage une opportunité qu’une menace.

Gaëlle Gagné, fondatrice de Tradupreneurs (une plateforme de services et d’aide auprès des traducteurs indépendants), résume ainsi que "ces outils vont devenir omniprésents" auprès du site Contentactic.com. "Il est essentiel de les prendre en compte aujourd’hui dans son quotidien de traducteur. Il serait contreproductif de diaboliser ces solutions, et d’un autre côté, une idéalisation béate comme on le voit beaucoup aujourd’hui est tout aussi néfaste", ajoutait-elle.

Chrystèle Reynier

 

Auteur :
Reynier, Chrystèle
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