En 2019, quatre jeunes néobanques faisaient leurs débuts en ciblant spécifiquement les adolescents et leurs parents : Xaalys, Vybe, Kard, Pixpay. Quatre ans plus tard, toutes n’ont pas survécu. Le modèle économique présente des failles, mais des réussites sont possibles. Retour sur le parcours de ces quatre fintechs.
En 2019, quatre jeunes néobanques faisaient leurs débuts en ciblant spécifiquement les adolescents et leurs parents : Xaalys, Vybe, Kard, Pixpay. Quatre ans plus tard, toutes n’ont pas survécu. Le modèle économique présente des failles, mais des réussites sont possibles. Retour sur le parcours de ces quatre fintechs.
Par Chrystèle Reynier - Publié le 12/09/23
En 2019, dans le contexte de l’essor des néobanques, quatre start-up françaises se sont créées en se positionnant auprès des adolescents ; une cible encore écartée des services bancaires et présentant l’intérêt de compter parmi elle les consommateurs de demain.
Nommées Xaalys, Vybe, Kard, et Pixpay, ces finitechs sont nées en proposant un compte bancaire accompagné d’une carte de paiement et d’une application pour les adolescents et leurs parents, avec des fonctionnalités pour les accompagner dans leur éducation financière et dans la gestion de leur argent, le tout à des prix bas voire gratuitement.
Un modèle fragile
Quatre ans plus tard, deux de ces entreprises ont disparu. La faute à un modèle économique trop fragile. Comme l’expliquait le journal Les Échos en 2022, avec un modèle basé sur des abonnements et une faible commission d’interchange (commission interbancaire de paiement lors de chaque paiement par carte entre un commerçant et son client), une néobanque destinée aux adolescents a pour impératif de posséder une large base de clients. "Les Revolut et N26 [néobanques généralistes] ont déjà de gros problèmes de monétisation, le segment des adolescents a des nominaux encore plus petits", remarquait alors Alexis Majos, investisseur fintech chez Speedinvest, auprès du quotidien. Les néobanques pour adolescents sont également confrontées à la problématique de la "rétention des clients" une fois les jeunes clients devenus adultes.
De plus, ces fintechs spécialisées ont vu la concurrence s’intensifier avec l’arrivée de nouveaux acteurs sur leur segment de marché, comme la banque en ligne généraliste Revolut avec le lancement de son offre Revolut<18, ainsi que les banques traditionnelles la Société Générale et La Banque Postale.
Les parcours disparates des 4 néobanques françaises pour adolescents
Xaalys
La start-up a débuté la commercialisation de son offre en avril 2019. Xaalys a été pensée par Diana Brondel, une ancienne banquière, comme une solution pédagogique pour les enfants, avec, en plus de son compte 100% mobile et sa carte Mastercard, des contenus sur la finance sous la forme de quiz et de jeux en provenance de La Finance pour Tous (site édité par l’Institut pour l’éducation financière du public – IEFP). "Xaalys se trouve à la frontière des Fintech (start-up de la finance) et des Edtech (start-up de l'éducation)", expliquait la fondatrice auprès de La Tribune en avril 2019.
L’offre, destinée aux 12-17 ans, a été lancée au prix de 3 euros par mois, auxquels s’ajoute une souscription initiale de 10 euros. Elle comprenait également une version gratuite, sans possibilités de transactions, avec des contenus éducatifs. L’entreprise espérait alors conquérir 10 000 utilisateurs en 2019 puis 40 000 en 2020. Mais elle a fermé ses portes en 2022.
Vybe
Vybe a été fondée en 2019 avec la particularité de reposer sur un modèle mutualiste, gratuit et sans engagement. Son offre, destinée au 13 – 26 ans, était composée d’une carte prépayée Mastercard, d’une tenue de compte et d’une application. Entre 2019 et 2022, elle a levé 4,8 millions d’euros auprès de business angels et a multiplié les opérations marketing sur les réseaux sociaux pour se faire connaître des jeunes.
Malgré ses 40 000 utilisateurs, elle a été placée en liquidation judiciaire en juillet 2022. "Notre dernière levée de fonds n'a pas pu se faire dans les temps impartis dans un contexte économique difficile, nous contraignant ainsi à arrêter l'aventure", expliquait Vincent Jouanne, l’un de ses fondateurs, sur son compte LinkedIn en 2022. "Le marché s’est refermé. Le vent a tourné pour beaucoup d’entreprises y compris dans notre marché des fintechs. Nous avons été directement impactés par la frilosité ambiante dans la dernière ligne droite, cela malgré des statistiques d’usage qui augmentaient toujours", analysait-il encore auprès de Forbes.
Fin 2022, Vybe a toutefois été rachetée par la fintech britannique Twig, selon le site usine-digitale.fr. Cette dernière est à la fois un établissement de monnaie électronique (avec carte de débit, services d’envoi et de réception d’argent) et un acteur de la revente de vêtements. Grâce à ce rachat, elle souhaite acquérir plus d’expertise auprès de la jeune génération. Toutefois, en 2023, Vybe n’est plus active.
Kard
Lancée en décembre 2018 avec une application et une carte de paiement entièrement gratuite, la fintech Kard a finalement changé de modèle en 2020. Elle a opté pour une formule payante avec le développement de nouveaux services (envoi d’argent instantanément, mise en place de virements programmés, blocage ou déblocage de la carte pour les parents, accès à une carte virtuelle pour les adolescents, souscription d’une assurance smartphone, etc.). Ce changement était alors accompagné d’une nouvelle levée de fonds de 3 millions d’euros auprès de Founders Future et de business angels.
Toujours active en 2023, Kard propose désormais deux offres : l’une à 2,99 par mois (pour 1 enfant et 1 parent) et la seconde à 5,99 euros par mois pour la famille (jusqu’à 5 adolescents et 2 parents). Elle affiche une "bonne santé" avec une base d’un peu plus de 200 000 clients, selon Scott Gordon, son fondateur et pdg interviewé par BFMTV. Le dirigeant vise la profitabilité d’ici la fin de l’année ou l’année 2024. La force de la fintech repose sur une croissance bâtie "de façon organique grâce au bouche à oreille et à la recommandation des clients". Un des enjeux reste d’équiper le plus longtemps possible les clients avec la possibilité de proposer d’autres produits financiers via des partenariats expliquait le dirigeant auprès du journal Les Échos en 2022.
Pixpay
Créée par trois amis venus de secteurs autres que la banque, Pixpay est parvenue à rencontrer le succès en quatre années seulement. Dès ses débuts, elle a opté pour le modèle de l’abonnement (à partir de 2,99 euros par mois). En 2023, la solution est adoptée par des centaines de milliers de famille et est également déployée en Italie et en Espagne.
Au cours de son développement, Pixpay a toutefois rencontré des difficultés et a dû mener un important travail d’évangélisation auprès des familles sur la valeur de la solution, expliquaient ses fondateurs, invités du podcast Les Échos - La Story, en 2023. Pour les convaincre, Pixpay s’est attaché à développer un produit qui soit sécurisant pour les parents et attractif pour les adolescents. La start-up parvient à conserver des consommateurs de plus de 18 ans (comme les étudiants par exemple) parmi ses clients. Elle a aussi mis en place un « coach » dans son application et des partenariats avec des banques pour orienter les jeunes adultes vers leur futur établissement bancaire.
En juillet 2022, Pixpay a été rachetée par son concurrent britannique GoHenry. La jeune entreprise française cherchait à lever des fonds (55 millions de dollars ont été levés à cette occasion). "GoHenry est arrivé pendant le processus. Nous n'avons pas discuté de M&A avec des banques traditionnelles", a expliqué Benoit Grassin, cofondateur de Pixpay. Le choix de la fusion des équipes a été motivé par la complémentarité des deux entreprises et la volonté de Pixpay de proposer son service partout dans le monde. Ensemble, les deux entreprises représentaient 2,2 millions de membres (parents inclus) en 2022, dont 2 millions provenant de l’acteur britannique, pour un CA 2021 de 45 millions d’euros.
À l’avenir, Pixpay va poursuivre son développement en se rapprochant de l’entreprise américaine Acorns. Ce dernier devient le nouveau propriétaire de GoHenry et de Pixpay en 2023. À travers ces rachats, Acorns, également spécialiste de l’éducation financière, souhaite démocratiser l’accès à l’épargne, à l’investissement et à la gestion d’un budget tout au long de la vie.