Leader incontesté de la distribution de jeux vidéo sur PC, la plateforme Steam semblait avoir découragé la concurrence. Mais depuis 2018 et le lancement de son Store, l'éditeur Epic Games est entré dans la course pour tenter de mettre à mal la domination du numéro 1.
Leader incontesté de la distribution de jeux vidéo sur PC, la plateforme Steam semblait avoir découragé la concurrence. Mais depuis 2018 et le lancement de son Store, l'éditeur Epic Games est entré dans la course pour tenter de mettre à mal la domination du numéro 1.
Par Samuel Arnaud - Publié le 16/11/23
Tout au long de l'année 2023, le développeur et éditeur américain de jeux vidéo Epic Games, à l'origine du titre Fortnite, a effectué plusieurs annonces visant à renforcer l'attractivité de sa plateforme de distribution de jeux PC, l'Epic Games Store. Il a par exemple ouvert son magasin à l'auto-édition, afin de permettre à tous les studios de proposer directement leur jeu dans sa boutique. Quelques mois plus tard, le groupe dévoilait le programme Epic First Run : les studios qui le rejoignent ne seront plus soumis à la taxe prélevée par le distributeur lors de chaque vente effectuée sur l'Epic Games Store lors des six premiers mois suivant le lancement d'un jeu, à condition que le jeu en question soit vendu exclusivement sur cette plateforme.
Cette volonté d'exclusivité, couplée aux autres initiatives d'Epic, vise à empêcher les jeux d'être présents sur d'autres magasins en ligne, dont un en particulier : Steam. "L'attaque envers Steam que représente le programme Epic First Run est d'ailleurs à peine masquée puisqu'Epic Games autorise les développeurs à publier et à vendre leurs jeux sur leurs propres sites web", constate L'Usine digitale à l'été 2023.
Le mastodonte Steam
Propriété de l'éditeur et développeur américain Valve, Steam s'impose comme la référence en matière de distribution de jeux vidéo sur PC. Née en 2003, la plateforme a gagné en popularité au fil des années, éclipsant peu à peu toutes les tentatives de concurrence et proposant une offre de plus en plus étoffée. En ouvrant les portes de sa boutique aux jeux développés par d'autres studios, Valve a en effet bâti un catalogue comportant plus de 50 000 titres. Sur la seule année 2021, plus de 10 000 nouveaux jeux ont été recensés par le site de tracking Steam Spy. Un fonctionnement qui semble gagnant-gagnant : d'un côté, "proposer ses jeux sur Steam est avantageux pour les développeurs de jeux vidéo, notamment indépendants. La visibilité à moindre coût offert permet à des jeux de se faire connaître et de rencontrer plus facilement leur public", analyse Statista ; de l'autre, Valve génère toujours plus de revenus grâce à la commission de 30 % prélevée sur chaque vente réalisée via sa boutique.
"Steam garde un monopole incontesté du marché", confirme ainsi Statista en 2023. La dématérialisation croissante du jeu vidéo n'a fait que renforcer sa place dans l'écosystème vidéoludique. D'après Valve, la plateforme comptait 132 millions de joueurs actifs mensuels en 2021, soit le double de l'Epic Games Store. Si le groupe ne publie pas ses résultats financiers, le studio Wolfire Games estimait que Steam avait généré plus de 6 milliards de dollars de revenus en 2020. "Il ne s'agit quasiment que de marge car la distribution entraîne peu de frais. Valve est aujourd'hui une des entreprises les plus rentables du jeu vidéo", indique Stéphane Rappeneau, expert du secteur, auprès des Échos.
Une domination difficile à contrer
La force de frappe de Steam rend donc délicate toute tentative d'implantation sur le marché. Plusieurs grands éditeurs ont déjà tenté de lancer leur plateforme, sans réel succès (Ubisoft avec Uplay, Electronic Arts avec Origin). Profitant de son nouveau statut acquis suite au succès de Fortnite, Epic Games essaie à son tour de mettre à mal le monopole. L'une de ses promesses phares pour attirer les studios sur son Store, lancé en 2018, consiste à ne prélever que 12 % de commission sur chaque vente, contre 30 % sur Steam. Epic a ainsi pu récupérer quelques grands titres en exclusivité, mais cela n'a pas changé la donne en profondeur. Valve a en effet réagi en diminuant sa commission pour les jeux les plus vendus : 25 % pour ceux générant plus de 10 millions de dollars de revenus sur Steam, 20 % pour ceux dépassant les 50 millions de dollars. "De légers amendements qui ont suffi à contenir la menace Epic Games Store", indique Les Échos.
Avec Epic First Run, Epic semble cette fois-ci s'adresser en priorité aux petits studios, leur offrant la possibilité de souffler financièrement en récupérant l'intégralité des revenus générés par la vente de leurs nouveaux jeux durant six mois. "Epic First Run est présenté comme un programme à destination de toutes les typologies de développeurs, mais il est en réalité pensé comme un moyen d'attirer de jeunes studios indépendants qui ont besoin de toute la trésorerie possible pour subsister", explique L'Usine digitale.
En parallèle, Epic poursuit ses efforts pour attirer puis fidéliser les joueurs : jeux gratuits chaque semaine, programme Epic Rewards pour leur permettre de récupérer 5 % du montant de leurs achats en cashback, etc. De quoi essayer, toujours, de grappiller des parts de marché à Steam et de modifier le paysage de la distribution de jeux vidéo sur PC.
Principales sources utilisées pour la rédaction de cet article :
· Defer Aurélien, "Epic Games lance un programme d'exclusivité pour attirer les développeurs", usine-digitale.fr, 24 août 2023
· Gautier Maxime, "Steam – Faits et chiffres", fr.statista.com, 21 juillet 2023
· Richaud Nicolas, "Jeux vidéo : avec 30 millions de joueurs en simultané, Steam bat son record d'audience", lesechos.fr, 24 octobre 2022
· Richaud Nicolas, "Les quatre vies de Valve, discret géant du jeu vidéo qui vaut des dizaines de milliards de dollars", lesechos.fr, 28 février 2022
· "Epic Games souhaite toujours détrôner Steam, encore plus de jeux gratuits et de nouveautés sont prévus pour les joueurs en 2024 !", millenium.org, 17 octobre 2023