Les projets de sites dédiés au recyclage chimique du plastique s'avèrent de plus en plus nombreux en France. La dynamique est soutenue par les industriels et l'État. Mais elle ne doit pas faire oublier les nombreuses inconnues qui demeurent encore autour de ce type de recyclage, complémentaire au mécanique.
Les projets de sites dédiés au recyclage chimique du plastique s'avèrent de plus en plus nombreux en France. La dynamique est soutenue par les industriels et l'État. Mais elle ne doit pas faire oublier les nombreuses inconnues qui demeurent encore autour de ce type de recyclage, complémentaire au mécanique.
Par Samuel Arnaud - Publié le 04/12/23
Le recyclage chimique vise à compléter le traditionnel recyclage mécanique, en se concentrant notamment sur les plastiques "contaminés ou complexes à traiter", indique l'Ademe. Il présente également l'avantage de conserver la pureté et les propriétés du plastique initial, contrairement au recyclage mécanique qui dégrade la qualité du matériau, ce qui ouvre la voie à l'utilisation de plastique recyclé dans des secteurs sensibles, comme l'alimentaire ou le médical.
Le recyclage chimique intègre plusieurs étapes permettant d'obtenir à nouveau un monomère. "La dissolution permet de retirer les additifs contenus dans le plastique pour retourner au stade de polymère. La conversion, par gazéification ou pyrolyse, renvoie le plastique au stade d'hydrocarbure. Enfin, la dépolymérisation, qu'elle soit thermique ou chimique, produit le précurseur du polymère : le monomère. Si la dissolution se contente de reproduire le même polymère, la conversion et la dépolymérisation peuvent également synthétiser des molécules alternatives", détaille L'Usine Nouvelle.
Plusieurs projets d'usine en France
En 2020, le plastique recyclé chimiquement représentait environ 400 000 tonnes dans le monde. En 2025, ce chiffre pourrait atteindre 5 millions de tonnes selon Erwan Harscoet, directeur Sustainability au sein du cabinet Deloitte. Pour McKinsey, 20 à 40 millions de tonnes de plastiques sont susceptibles d'être recyclées par ce biais à l'horizon 2030. "Ce volume est basé sur les annonces des industriels. Certains projets ne vont peut-être pas se faire, mais on observe une dynamique dans ce sens", indique Erwan Harscoet.
Sur ce segment naissant, l'Hexagone apparaît comme l'un des pays les plus engagés. "Le pays se profile même comme un des leaders en Europe dans le recyclage chimique du PET", écrivait Infochimie magazine en décembre 2022. Sur les 44 projets européens d'usines de recyclage chimique recensés en 2023, près d'un tiers, 13, se trouvent en France. "Les industriels de la pétrochimie sont souvent à la manœuvre et s'allient à des spécialistes du recyclage (Suez, Paprec)", note L'Usine Nouvelle. TotalEnergies, ExxonMobil, Dow ou Ineos représentent en effet autant de grands groupes engagés dans la construction de sites sur le territoire national. Certaines initiatives sont cependant portées par d'autres types d'acteurs, comme la start-up Carbios ou l'industriel Michelin.
L'évolution de la réglementation tend également à favoriser le développement du recyclage chimique. En 2022, l'extension des consignes de tri et la reprise des plastiques mal ou non recyclables par l'éco-organisme Citeo doivent permettre de "massifier des flux pour que s'engagent les investissements dans des solutions de recyclage innovantes", comme le recyclage chimique, analyse Actu Environnement. La même année, un appel à projets dédié au recyclage chimique, financé à 300 millions d'euros, a aussi été lancé par les pouvoirs publics.
Des interrogations demeurent
Au-delà des projets qui se multiplient, le recyclage chimique demeure une technologie récente, qui pose encore certaines questions. En juin 2023, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques publiait une note arguant que les techniques de recyclage chimique "soulèvent de nombreuses interrogations, qu'il s'agisse de leur impact environnemental, de l'élimination des substances chimiques […] et de la traçabilité des produits issus de ces technologies". Un an et demi plus tôt, l'Agence européenne des produits chimiques alertait déjà sur le manque d'informations concernant le devenir des substances dangereuses présentes dans les déchets, tout en rappelant que l'étape de pyrolyse pouvait produire des composés bromés toxiques.
De son côté, Nathalie Gontard, directrice de recherche à l'Inrae, estime dans L'Usine Nouvelle qu'il ne faut pas "croire aux miracles" et que le recyclage chimique "ne traitera qu'un petit pourcentage des déchets plastiques", peu significatif par rapport à l'effort de sobriété auquel doit consentir l'humanité. Enfin, pour l'Ademe, il reste "une solution complémentaire au recyclage mécanique, qui reste préférable quand il est envisageable". Cette approche hybride, qui vise à privilégier l'un ou l'autre type de recyclage selon le plastique concerné, est également défendue par Abdelhakim Koudil, responsable de programme à l'Ifpen : "Il ne faut pas opposer recyclage chimique et recyclage mécanique. Le second, par exemple, ne fonctionne pas pour les bouteilles en PET coloré".
Principales sources utilisées pour la rédaction de cet article :
· Collet Philippe, "Le recyclage chimique à l'assaut des plastiques", Actu Environnement, juillet-août 2022, pp.32-41
· Latieule Sylvie, "Le recyclage chimique du PET aux portes de l'industrialisation", Infochimie magazine, décembre 2022, pp.18-23
· "L'irrésistible ascension du plastique", L'Usine Nouvelle, novembre 2023, pp.84-94, 96-100, 102-107