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Faisant face à une réglementation peu favorable aux bioplastiques en France et dans l'Union européenne, les acteurs de ce marché s'inquiètent du retard que pourrait prendre la filière, alors que la Chine et les États-Unis investissent de plus en plus le secteur.

 

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Faisant face à une réglementation peu favorable aux bioplastiques en France et dans l'Union européenne, les acteurs de ce marché s'inquiètent du retard que pourrait prendre la filière, alors que la Chine et les États-Unis investissent de plus en plus le secteur.

Par Samuel Arnaud - Publié le 05/12/23

Faits, tendances et initiatives

v  La réglementation ne s'avère pas favorable au développement des bioplastiques. En France, la loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire) de 2020, qui vise à réduire l'utilisation du plastique et à accélérer sur le recyclage, n'accorde aucun "traitement de faveur" aux bioplastiques, qui ne disposent pas non plus de filière de recyclage dédiée, faute d'un gisement suffisant. Au niveau européen, la directive Single-Use Plastics de juillet 2021, qui lutte contre l'emploi du plastique, ne fait pas de distinction selon l'origine fossile ou renouvelable de ce dernier. Même positionnement pour le règlement Packaging and Packaging Waste Regulation de 2022.

 

v  Les emballages compostables, qui peuvent se dégrader dans leur environnement, semblaient plus opportuns dans le cadre de la lutte contre les déchets plastiques, mais là encore, ils n'ont pas emporté l'adhésion des organismes d'information et de régulation. En mai 2023, l'Ademe a estimé que ces emballages compostables en plastique ne constituaient pas une "solution miracle" et qu'ils présentaient peu d'intérêt pour la qualité du compost.

 

v  Ce durcissement réglementaire vis-à-vis des bioplastiques fait reculer les industriels. TotalEnergies et Corbion, qui voulaient lancer une usine de production de PLA (un type de bioplastique compostable) à Grandpuits (Seine-et-Marne) d'ici 2024, ont finalement abandonné le projet, tant pour des raisons économiques qu'en raison de la réglementation.

 

v  Les défenseurs du bioplastique dénoncent le fonctionnement européen, qui briderait l'innovation et l'apparition de nouveaux modèles de développement. Selon eux, des débouchés concrets et respectueux de l'environnement existent déjà pour les bioplastiques. En Italie, une "économie du sac compostable" s'est ainsi développée, en se basant sur le Mater-Bi, un plastique issu du végétal. En 2021, ces sacs ont permis de recueillir 3,6 millions de tonnes de déchets ménagers organiques, dirigés vers le compostage, "propulsant la péninsule au premier rang européen dans ce mode de valorisation", note Emballages magazine.

 

v  Certains redoutent également le retard qu'est en train de prendre l'Union européenne sur le marché des bioplastiques. Les États-Unis investissent en effet le secteur afin de remplacer le plastique d'origine fossile par des biomatériaux. La Chine devrait aussi augmenter fortement sa production de plastique compostable dans les années à venir pour réduire son niveau de pollution. À terme, l'Union européenne pourrait donc se retrouver dépendante de ces sources d'approvisionnement extérieures.

Paroles d'expert

"La réglementation, au niveau tant européen que national, tend maintenant à semer le trouble sur les plastiques et les bioplastiques. Or, les industriels ont besoin d'un cadre clair avant de s'engager dans tel ou tel matériau."

François de Bie, directeur marketing de TotalEnergies Corbion PLA

 

"D'un côté, l'Europe investit des milliards d'euros dans la recherche pour développer la bioéconomie, quand, de l'autre côté, elle remet en question les marchés où ces produits peuvent atterrir avec une réglementation très contraignante, c'est incompréhensible !"

"On préfère mettre l'accélérateur sur les plastiques traditionnels, et notamment sur le PET, plutôt que de parier sur les plastiques innovants. C'est beaucoup plus facile, mais à ce train-là, l'Europe va rater le coche du biosourcé au profit de la Chine et des États-Unis qui eux, par contre, ont pris des positions fortes sur le sujet. Nous sommes extrêmement préoccupés par l'inaction de l'Union européenne et de la France."

Frédéric van Gansberghe, PDG de Futerro, producteur belge de bioplastiques. 

 

"La publication de l'avis de l'Ademe [défavorable aux plastiques compostables] contribue à entretenir l'idée que tous les plastiques sont à interdire, sans distinctions. Beaucoup d'enseignes qui avaient choisi des sachets compostables, à l'image de Carrefour et d'E.Leclerc, se sont donc tournées vers le papier. Nous avons constaté une baisse des ventes de plus de 50 %. Cela tue dans l'œuf une filière française en plein essor, alors que ces matières ont déjà fait leurs preuves dans d'autres pays."

"Nous aimerions que le pouvoir politique s'empare du sujet pour sortir des postures idéologiques et des intérêts partisans, et ce, afin que les enjeux soient bien analysés et que des solutions complémentaires soient prises en compte. En Europe, les plastiques biosourcés compostables, ce sont des milliers de brevets déposés au cours des trois dernières décennies par des entreprises comme BASF, Biotec, Novamont, Barbier, Sphere, et bien d'autres qui travaillent dans la production et la transformation de ces nouveaux polymères. L'Europe est le leader dans ce domaine. Or, sans un réveil des consciences, qui ne peut être que politique, tout cela risque de se développer encore une fois ailleurs. La Chine et les États-Unis vont prendre le dessus et nous perdrons, de fait, notre avance scientifique et technologique."

Christophe de Boissoudy, président de l'Association française des compostables biosourcés (AFCB)

 

 

Samuel Arnaud

Synthèse rédigée d'après l'article "Les bioplastiques dans l'impasse réglementaire", in Emballages magazine, n° 1044, septembre 2023

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Auteur :
Arnaud, Samuel
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