L’industrie textile française a le regard tourné vers l’expérimentation de l’uniforme scolaire annoncée pour 2024. Outre l’opportunité d’affaires qu’elle pourrait représenter, elle supporte également les enjeux de la circularité et du made in France.
L’industrie textile française a le regard tourné vers l’expérimentation de l’uniforme scolaire annoncée pour 2024. Outre l’opportunité d’affaires qu’elle pourrait représenter, elle supporte également les enjeux de la circularité et du made in France.
Par Chrystèle Reynier - Publié le 05/03/24
Une expérimentation de l’uniforme scolaire dès 2024
Annoncé en septembre 2023 par Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, l’"uniforme scolaire" ou "tenue unique" devient de plus en plus concret début 2024. Lors de sa conférence de presse du 16 janvier, Emmanuel Macron a confirmé son expérimentation. Elle sera lancée auprès des collectivités territoriales, écoles et établissements volontaires dès la rentrée 2024, avec pour objectif une généralisation en 2026, si le test s’avère concluant.
Sans être "une solution miracle permettant de traiter tous les problèmes de l’école", selon les propos de Gabriel Attal en septembre 2023, la tenue unique est destinée à réduire les différences sociales et à lutter contre les inégalités et le prosélytisme. Elle vise à renforcer la cohésion entre les élèves, à améliorer le climat scolaire ou encore à valoriser l’image de l’école, selon le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse.
Le gouvernement a concocté une tenue pour faciliter la démarche aux collectivités locales. Elle a été dévoilée par Le Figaro en janvier 2024, et confirmée par l’exécutif auprès de l’AFP. Mixte, le plus neutre possible et "sportswear", elle est composée de trois polos, deux pulls et un pantalon dans les tons blanc, gris et bleu marine, ainsi que d’un tablier pour les élèves de maternelle et d’école élémentaire. Le prix moyen est évalué à 200 euros (modulable selon les saisons), financé à moitié entre les collectivités et l’État. Toutefois, le trousseau ne comprend pas les tenues de sport et les chaussures qui “présentent un coût qui pourrait excéder les moyens consacrés à l'expérimentation ainsi que des difficultés sur le plan logistique”, selon les explications du ministère, rapportées par fashionnetwork.com.
Sur la centaine d’établissements envisagés pour l’expérimentation, une soixantaine a déjà été identifiée, dont 39 écoles, 11 collèges et 10 lycées selon France Info. Toutefois, des rectorats sont confrontés à des oppositions de la part d’élus et de parents d’élèves d’après le journal Le Monde, et des annulations auraient déjà eu lieu.
Une opportunité pour la filière textile française
La tenue unique pourrait représenter une opportunité pour l’industrie textile française, quatre ans après avoir été érigée comme "un symbole de la "souveraineté industrielle" à rebâtir", rappelle fashionnetwork.com.
Le marché des uniformes scolaires, qualifié de marché de niche par la Facim (Fédération des uniformes et des équipements de défense et sécurité), pourrait potentiellement peser 360 millions d’euros d’après les chiffres rapportés par fashionnetwork.com, "si les 12 millions d’élèves scolarisés en France dans les écoles, collèges et lycée du privé et du public étaient équipés", explique Frédéric Garcin, dirigeant de l’entreprise Uniforme Prestige, elle-même fabricante d’uniformes scolaires depuis plusieurs années.
L’écosystème tricolore de l’uniforme scolaire est composé d’entreprises diverses, spécialisées dans l’uniforme ou diversifiées dans ce domaine en complément de leur "activités de marque ou de fabricant", décrit fashionnetwork.com. Mais toutes ne produisent pas en France, certaines s’appuyant sur une fabrication portugaise, européenne ou nord-africaine. Parmi les entreprises françaises figurent Poleo, Acanthe, Drextil, ou encore Mon Uniforme Scolaire (Scotex).
Parmi les intervenants, Uniforme Prestige, à l’origine spécialisé dans le "vêtement d’image" et diversifié dans les uniformes scolaires commercialisés auprès d’écoles privées pour l’essentiel catholiques, témoignait, auprès de Capital fin 2023, d’un certain "scepticisme" quant aux effets de l’annonce du gouvernement. "Car le sujet revient chaque année. Et à chaque fois, il fait un flop. L’uniforme à l’école est plébiscité par la majorité des Français, mais ceux qui y sont opposés prennent suffisamment de place pour bloquer les choses", explique son dirigeant, Frédéric Garcin. Toutefois, il note un intérêt grandissant de la part des chefs d’établissements et des élèves, ainsi que des retours toujours positifs des écoles qui l’ont mis en place.
L’enjeu d’un uniforme circulaire et Made in France
Durabilité et Made in France apparaissent comme deux impératifs de l’expérimentation de la tenue unique. "Si l’uniforme scolaire devient une réalité, il doit impérativement être éthique, durable et circulaire", a déclaré la Fédération de la Mode Circulaire sur LinkedIn, comme le rapporte fashionunited.fr. Les jeunes représentant les consommateurs à venir, l’uniforme scolaire pourrait participer à les guider vers une consommation responsable. Également, "si ces uniformes ne sont pas français, cela serait plus qu’une incohérence : ça serait un scandale" a exprimé Olivier Ducatillion, président de l’Union des industries textile auprès de fashionnetwork.com.
C’est dans ce contexte que Le Slip Français, entreprise iconique du Made in France, et 1083, spécialiste des jeans éco-conçus et fabriqués en France, ont été sollicités par le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse pour l’aider à concevoir son trousseau. Les deux entreprises se sont réunies pour imaginer l’uniforme dévoilé par Le Figaro début 2024. Sur leur site Internet commun nommé Uniforme Made in France, les deux entreprises offrent la possibilité aux collectivités publiques de passer commande jusqu’au 15 mars 2024.
Les produits qu’elles ont mis au point sont "de qualité, durables, réparables, fabriqués en France", selon le fabriquant de sous-vêtements. Le Slip Français et 1083 visent également "un maillage géographique de l’offre en sollicitant lors des commandes des ateliers situés à proximité de chaque collectivité publique". Outre la maîtrise de l’impact environnemental, le circuit court a également pour avantage la traçabilité, la gestion des stocks au plus juste, ou encore la proposition de solutions de réparabilité et de seconde main, selon Thomas Hutriez, dirigeant de 1083.
Le débat autour des appels d’offres
Cependant, un débat intervient autour de la modalité des commandes. Les collectivités territoriales seront libres quant au choix des uniformes, via le lancement d’appels d’offres, ou non si les commandes s’avèrent petites. "Pour une fois, cela aurait été bien de centraliser et de mutualiser. S’assurer que dans les appels d’offre cela soit du Made in France, sans ambiguïté, que ça soit pour la confection ou pour les tissus”, souligne Olivier Ducatillion, président de l’Union des industries textile auprès de fashionnetwork.com.
Pour son expérimentation, la région Auvergne Rhône-Alpes a toutefois fait le choix de cinq entreprises localisées sur son territoire (Kraft Cie, Henitex, Valence-Services, Lignes Directes, et Maison ma bille). Mais le défi est de parvenir à coupler la production locale et des coûts compétitifs.
Pour autant, la tenue unique n’en est encore qu’à une étape de test. “Ce qu’il faut, c’est que dès cette phase, la France se donne tous les moyens pour que les uniformes soient produits localement”, a également commenté Olivier Ducatillion. Il s’agit d’un véritable enjeu pour les entreprises du secteur, "qui ont plus que jamais besoin de ces commandes" selon le responsable.
Principales sources utilisées pour la rédaction de cet article :
· " Beyer Caroline, "Voilà à quoi va ressembler l'uniforme scolaire concocté par l'exécutif", lefigaro.fr, 19 janvier 2024
· Fontaine Aéris, "La Fédération de la Mode Circulaire en faveur de l'uniforme scolaire à condition qu'il soit "circulaire »", fashionunited.fr, 22 janvier 2024
· Fontaine Aéris, "Le Slip Français et 1083 développent un uniforme Made in France", fashionunited.fr, 12 février 2024
· Guinebault Matthieu, "Uniformes scolaires : quelle place pour le textile Made in France ?", fashionnetwork.com, 19 février 2024
· Uberti Héloïse, "Tenue unique à l'école généralisée en 2026 : ce que pourrait peser ce nouveau marché", capital.fr, 16 janvier 2024