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Après plusieurs années de recul, le marché du vrac pourrait repartir de l'avant à partir de 2024 grâce à un contexte économique et législatif plus favorable. Si les magasins bio et spécialisés poursuivent leurs efforts, les grandes surfaces se montrent encore timides dans ce rayon.

 

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Après plusieurs années de recul, le marché du vrac pourrait repartir de l'avant à partir de 2024 grâce à un contexte économique et législatif plus favorable. Si les magasins bio et spécialisés poursuivent leurs efforts, les grandes surfaces se montrent encore timides dans ce rayon.

Par Samuel Arnaud - Publié le 21/03/24

 

Alors qu'il dépassait le milliard d'euros de valeur en 2019, le marché du vrac a ensuite subi les effets de la crise de Covid-19 et de l'inflation. Ses ventes ont reculé jusqu'à s'établir à 795 millions d'euros en 2023, selon le Réseau Vrac et Réemploi (RVR). Ce déclin pourrait toutefois prendre fin en 2024. "Les consommateurs commencent à reprendre leurs repères d’avant crise", estime Célia Rennesson, fondatrice et directrice du RVR. Philippe Audard, cofondateur du réseau Vrac'n Co, qui regroupe 150 épcieries indépendantes, se montre également optimiste auprès du média spécialisé Circuits Bio : "Nous sentons un frémissement en 2024, après une année 2023 où les ventes se sont stabilisées". La France comptait 2,3 millions d'acheteurs réguliers de vrac (plusieurs achats par mois) en juillet 2023, d'après NielsenIQ.

Un contexte favorable au redécollage du vrac

Si elle a initialement pénalisé le vrac, l'inflation pourrait finalement jouer en sa faveur. La hausse continue des prix incite en effet les consommateurs à explorer d'autres voies pour leurs achats. "Après avoir fait la chasse aux premiers prix, aux promotions ainsi qu’aux offres anti-gaspi, la réduction des quantités achetées peut constituer un nouveau levier de réduction des dépenses pour les Français soucieux de maîtriser leur budget", indique Célia Rennesson. Le contexte inflationniste attire ainsi une nouvelle clientèle vers le vrac, ou fait revenir une partie de la population qui l'avait délaissée depuis la crise sanitaire. "Depuis quelques mois, des foyers avec enfants renouent avec le vrac. Ils s'ajoutent aux consommateurs de plus de 50 ans, CSP+, qui constituent 70 % de la clientèle de ce mode d'achat", analysait fin 2023 Gaëlle Le Floch, directrice strategic insight de Kantar Worldpanel. Conscientes de cette opportunité, les enseignes essaient de réguler les prix du vrac pour conserver cette attractivité. Début 2024, les sociétaires de Biocoop ont par exemple voté une résolution visant à respecter un écart tarifaire favorable au vrac.

L'évolution de la réglementation devrait également permettre au vrac de se relancer. Il ne reste plus que six ans (2030) aux magasins de plus de 400 m² pour consacrer 20 % de leur surface de vente au vrac, comme l'exige la loi Climat et résilience de 2021. Les différentes mesures visant à réduire les emballages et à favoriser le réemploi jouent également en faveur de cette pratique. Pour Célia Rennesson, il serait même possible d'accentuer encore la législation : "La loi Agec [anti-gaspillage pour une économie circulaire] est formidable, mais il faut instaurer des mesures contraignantes et accompagner les acteurs avec des financements. Alléger les charges sociales pour les emplois liés au vrac faciliterait l'embauche de personnes chargées du conseil et de la gestion du rayon", détaille-t-elle.

Les circuits spécialisés en position, les GMS sommées de se mobiliser davantage

Les magasins bio et épiceries spécialisées dans le vrac représentaient respectivement 48 % et 15 % des ventes du marché en 2023. De premiers signes de reprise ont pu être observés durant l'année écoulée : Naturalia a constaté des ventes stables dans le rayon, tandis que La Vie Claire a enregistré une hausse de son chiffre d'affaires de 7 % sur les produits non emballés. Du côté de Biocoop, si les volumes ont reculé de 3 %, "nous sentons que le vrac revient peu à peu dans le jeu", note Guillaume Pagliaro, responsable vrac au sein de la direction de l'offre. Chez Day by Day, qui compte une cinquantaine de points de vente dédiés au vrac, l'heure est également au renouveau. "Nous sommes sortis de l'ornière. […] Depuis septembre 2022, on observe une reprise de l'activité des magasins des villes moyennes, où vivent de nombreuses familles. […] Depuis janvier 2023, cette tendance gagne les métropoles. En Île-de-France, cela redémarre depuis septembre", affirmait Didier Onraita, cofondateur de la société, dans LSA en janvier 2024.

Ces points de vente se montrent à l'avant-garde pour promouvoir le vrac, via des offres promotionnelles spécifiques et des animations commerciales. "Le Grand Panier Bio, qui a instauré une remise de 20 % sur l’ensemble de son rayon vrac une semaine par mois dans le cadre de son nouveau programme de fidélité, observe une hausse du chiffre d’affaires des produits vrac de 30 % lors de ce temps fort", constate Circuits Bio. L'amélioration de l'organisation du rayon (signalétique optimisée, plus d'informations données aux clients, offre diversifiée et clarifiée, etc.) constitue un autre enjeu majeur pour ces distributeurs. "Notre objectif est d’accompagner les néo-consommateurs dans le rayon", indique Anne-Sophie Pallas, responsable marketing alimentaire de La Vie Claire.

A contrario, les grandes surfaces, qui regroupent 37 % des ventes du marché, peinent encore à embrasser cette nouvelle dynamique. "Les pertes proviennent principalement de la grande distribution généraliste", observait ainsi Célia Rennesson lors de la présentation des chiffres de 2023. Les obligations législatives et les objectifs RSE de ces enseignes devraient cependant les pousser à inverser la donne. "Même si le vrac a du mal à décoller en GMS, il n'est pas question d'abandonner le sujet", rappelait début 2024 Christine Bourge, responsable environnement chez Perifem, la fédération technique du commerce et de la distribution. Elle cite par exemple l'initiative En avant vrac !, qui "fédère une soixantaine d'entreprises et d'organismes qui travaillent depuis un an sur un modèle adapté aux GMS." Ces dernières doivent en effet trouver le modèle logistique le plus approprié pour intégrer le vrac à leur offre, tant en termes de gestion de stock que d'hygiène. Un autre défi majeur consiste à convaincre les marques nationales de se lancer sur ce segment, en leur garantissant notamment une expérience d'achat optimale. "La démocratisation [du vrac] doit passer par l'offre de marques nationales et de MDD", confirme Christine Bourge.

Samuel Arnaud

 

 

 

Principales sources utilisées pour la rédaction de cet article :

·         Lesurf Léa, "Bilan vrac : les spécialistes redressent la barre", circuits-bio.com, 26 février 2024

·         Lesurf Léa, "Vrac : vers une reprise du marché en 2024 ?", circuits-bio.com, 6 décembre 2023

·         Nicot Marie, "Vrac, cinq raisons d'y croire à nouveau", LSA, 11 janvier 2024, p.22-25 

Auteur :
Arnaud, Samuel
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