Convaincus par les avantages de l'abonnement, tant en termes de fidélisation de la clientèle que de revenus fixes, certains restaurants lancent des formules autour de ce modèle. Le succès et la rentabilité ne sont cependant pas toujours au rendez-vous.

Par Samuel Arnaud - Publié le 06/06/24

S'abonner à un restaurant ou à une chaîne pour payer moins cher ses consommations, se voir offrir certains produits ou participer à des événements : le concept est apparu au début des années 2020 aux États-Unis. Des chaînes comme Panera Bread ou Taco Bell ont été parmi les premières à proposer des avantages à leurs clients, en échange d'un paiement fixe par mois. L'objectif est d'assurer un chiffre d'affaires récurrent, de fidéliser les consommateurs, mais aussi de collecter davantage de données sur son public, ses préférences et ses attentes. "Les clients fidèles se montrent généralement plus disposés à répondre aux enquêtes de satisfaction. Habitués [au] restaurant, ils fournissent des avis pertinents sur la qualité des produits et du service, les délais, la propreté, etc.", indique l'éditeur Innovorder, spécialiste des logiciels de restauration.

Proposer un abonnement permet également de se démarquer de la concurrence et de donner une nouvelle dimension à sa marque. "C’est complètement dans l’air du temps : ça rejoint une tendance de fond en restauration, à créer des marques plutôt que des restaurants à l’ancienne. On voit de plus en plus de concepts comme Pokawa, Bricktop Pizza ou Big Mamma, gérées par des entrepreneurs avisés qui ont compris tout l’intérêt à bâtir de belles marques de food. L’avantage de l’abonnement, c’est qu’il permet de créer encore plus d’attachement à sa marque", détaillait en 2022 Ludwig Jamet, cofondateur de HeyPongo, une société centrée sur la fidélisation de la clientèle des commerçants.

De premières initiatives en France

Quelques enseignes ont décidé de lancer leur formule d'abonnement en France. Pret A Manger, qui propose des sandwichs et salades en restauration rapide, a dévoilé son offre "Café Pret" fin 2021. Elle donne accès à cinq boissons gratuites par jour, en échange d'un paiement de 20 euros par mois. Deux ans plus tard, le groupe a dévoilé une seconde formule, "Club Prêt", qui inclut la première et ajoute une réduction permanente de 20 % sur l'ensemble du menu, contre 25 euros mensuels. "L’Abonnement Café Pret a connu un grand succès auprès des fans de Pret A Manger en France, nous sommes heureux et fiers de lancer Club Pret et d’offrir à nos clients les plus fidèles encore plus de possibilités pour faire des économies et de profiter de l’intégralité de notre menu", expliquait alors Stéphane Klein, PDG de Pret A Manger Europe.

Bricktop Pizza, qui possède trois établissements en région parisienne, faisait également état de premières retombées satisfaisantes en 2022 pour son abonnement (8,90 euros/mois) permettant de gagner tous les jours une pizza margherita pour une pizza achetée. "C’est vraiment très attractif : il suffit de venir avec des amis ou en couple pour rentabiliser son abonnement. […] Le retour est très bon, avec beaucoup d’abonnements sur les premiers jours. On surveille ça de près, pour savoir quelle est la proportion de personnes qui vont rester abonnées sur plusieurs mois !", indiquait Ludwig Jamet, dont l'entreprise HeyPongo était impliquée dans l'opération.

Des questionnements autour de la rentabilité du modèle

L'abonnement est toutefois loin d'avoir fait toutes ses preuves dans la restauration. Ouvert en 2021 et basé sur ce concept (5,90 euros/mois pendant un an pour bénéficier de réductions sur le menu), le restaurant lyonnais Uni Mercière a fermé ses portes trois ans plus tard, après avoir compté jusqu'à 1 000 abonnés.

La chaîne Del Arte, spécialisée dans la cuisine italienne, a elle cessé son offre d'abonnement lancée en 2022 dans 13 restaurants. Pour 34,99 euros/mois, les clients pouvaient manger une pizza ou un plat de pâtes chaque jour, et ainsi économiser plus de la moitié du prix initial. Mais la formule n'a attiré que 500 fidèles en un an et demi, un total trop faible pour que Del Arte poursuive l'aventure.

Ces échecs interrogent sur la pertinence, notamment économique, d'un tel système. Les réductions voire la gratuité de certains plats engendrent des pertes directes pour l'établissement, qui doit les compenser par la fréquentation accrue de ces abonnés ou leur surconsommation. Or, cela s'avère souvent difficile à atteindre. "Je ne vois pas comment ça peut être rentable chez Del Arte. Si j'y vais 2,5 fois par semaine en moyenne, l'enseigne est perdante", constatait Bernard Boutboul, créateur du cabinet de conseil spécialisé dans la restauration Gira Conseil, au moment du lancement de l'offre de Del Arte. "C'est un concept qui est plus adapté à la restauration à emporter qu'au service à table", ajoutait-il. Un avis partagé par Frédéric Bianchi, journaliste économique chez BFMTV : "Le modèle économique de ces abonnements repose surtout sur les extras que le client paiera en plus. Là encore, le concept Prêt A Manger qui ne donne accès qu'à une boisson semble plus propice aux achats d'impulsion".

Samuel Arnaud

Principales sources utilisées pour la rédaction de cet article :

·         Arondel Rebecca, "Manger des pizzas en illimité : le pari raté de Del Arte", letelegramme.fr, 26 mars 2024

·         Bianchi Frédéric, "35 euros par mois pour manger tous les jours chez Del Arte : la restauration tentée par le modèle 'Netflix'", bfmtv.com, 25 octobre 2022

·         De Champs Louis, "L’abonnement au restaurant : le futur de la restauration ?", innovorder.com, 8 février 2023

·         Gagnot Matthieu, "Ludwig Jamet, Pongo : 'Les abonnements au restaurant vont devenir une source de revenu très structurante'", heypongo.com, 10 janvier 2022

·         Zuili Théo, "Lyon. Ce restaurant de la rue Mercière au concept unique ferme en toute discrétion", actu.fr, 27 mars 2024

·         "Pret A Manger lance son nouvel abonnement : Club Pret", tendances-restauration.com, 24 novembre 2023